Rhaaaaa !
Le bel ouvrage que voici ! Les éditions Dupuis viennent de sortir une intégrale rassemblant l’ensemble des
travaux de Serge Clerc autour de
Phil Perfect, son personnage de rock-critique jouant au détective. Plongeons, ami lecteur, dans cet
univers emblématique des années 1980, d’un modernisme furieusement daté mais
qui, étrangement, fait tout son charme.
© Dupuis, 2012
L’histoire
de Serge Clerc tient du roman.
Originaire de Roanne (sa sous-préfecture, sa gare, son centre de détention), le
jeune homme « monte à Paris » à l’âge de 17 ans, déterminé à être
auteur de BD sinon rien. Impressionné par son talent, Jean-Pierre Dionnet, fondateur des Humanoïdes associés et du journal Métal Hurlant, prend notre jeune Rastignac sous son aile et publie
ses premières planches dès 1975. Très vite, l’histoire s’emballe, et Serge Clerc, outre la bande dessinée, illustre des pochettes de
disques (notamment Tales from the Cramps
des… Cramps), dessine pour la
publicité, la presse etc. Époque bénie où un jeune homme talentueux pouvait
devenir quelqu’un en moins de temps qu’il n’en faut pour le dire…
© Les Humanoïdes associés, 1983
Au
début des années 1980, Clerc crée
dans Rock & Folk le personnage de
Phil Perfect. Critique de rock, dandy malheureux en amour, alcoolique et
noctambule, le personnage est une synthèse amusante entre le privé hollywoodien
façon Raymond Chandler ou Dashiell Hammet et le noceur du Palace, la mythique boite parisienne. Flanqué
de son acolyte Sam Bronx, Perfect écluse sec, conduit vite (et mal) et n’hésite
pas à faire le coup de poing dans les bars. En quelques albums ou planches
publiées de-ci de-là, Serge Clerc
crée un univers bien à lui, reconnaissable entre mille, aimablement barré,
lorgnant vers les années 1940-1950 et peuplé d’espions russes ou chinois, de gorilles
en imperméables mastic, de concierges hongrois et de pin-up aux jambes galbées.
Avec ironie, Clerc plonge ses héros
dans de rocambolesques aventures assez peu sérieuses qui empruntent à la fois aux
grands maîtres de la BD franco-belge, au film noir et au cinéma de Tati, le
tout sur une bande son rock, qui convoque aussi bien le King Elvis Presley que
les Sex Pistols.
© Les Humanoïdes associés, 1986
Graphiquement,
le style de Serge Clerc est
identifiable au premier coup d’œil. Fortement influencé par la période Spirou et Fantasio de Franquin, son dessin est à mes yeux,
l'incarnation des années 1980. La curieuse modernité de l’époque puisait ses
références à la fois dans la BD des années 1940-1950, dans l’architecture
moderniste et le style International, dans la Série Noire et la science-fiction
des pulps. Popularisé par ses travaux
dans la presse ou pour la publicité, le dessin de Clerc est singulièrement familier. Tout ceci a certes un peu
vieilli, mais il s’en dégage un charme fou. Rassemblant l’ensemble des albums ou
histoires courtes publiés de 1981 à 1997, cette belle intégrale est complétée
par une farandole de dessins promotionnels, d’affiches, d’ex-libris et autres
illustrations mettant en scène le personnage fétiche de Serge Clerc, témoignant,
s’il en était besoin, que ce dernier est un formidable illustrateur.
© Les Humanoïdes associés, 1984
Alors
ami lecteur, à l’heure où la ville dort, viens boire un dernier verre au Mocambo en compagnie de Phil Perfect. Ça
ne se refuse pas.
Longue
vie au Triangle !
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