lundi 14 janvier 2013

Phil Perfect par Serge Clerc : des jeunes gens modernes


Rhaaaaa ! Le bel ouvrage que voici ! Les éditions Dupuis viennent de sortir une intégrale rassemblant l’ensemble des travaux de Serge Clerc autour de Phil Perfect, son personnage de rock-critique jouant au détective. Plongeons, ami lecteur, dans cet univers emblématique des années 1980, d’un modernisme furieusement daté mais qui, étrangement, fait tout son charme.

© Dupuis, 2012

L’histoire de Serge Clerc tient du roman. Originaire de Roanne (sa sous-préfecture, sa gare, son centre de détention), le jeune homme « monte à Paris » à l’âge de 17 ans, déterminé à être auteur de BD sinon rien. Impressionné par son talent, Jean-Pierre Dionnet, fondateur des Humanoïdes associés et du journal Métal Hurlant, prend notre jeune Rastignac sous son aile et publie ses premières planches dès 1975. Très vite, l’histoire s’emballe, et Serge Clerc, outre la bande dessinée, illustre des pochettes de disques (notamment Tales from the Cramps des… Cramps), dessine pour la publicité, la presse etc. Époque bénie où un jeune homme talentueux pouvait devenir quelqu’un en moins de temps qu’il n’en faut pour le dire…

© Les Humanoïdes associés, 1983

Au début des années 1980, Clerc crée dans Rock & Folk le personnage de Phil Perfect. Critique de rock, dandy malheureux en amour, alcoolique et noctambule, le personnage est une synthèse amusante entre le privé hollywoodien façon Raymond Chandler ou Dashiell Hammet et le noceur du Palace, la mythique boite parisienne. Flanqué de son acolyte Sam Bronx, Perfect écluse sec, conduit vite (et mal) et n’hésite pas à faire le coup de poing dans les bars. En quelques albums ou planches publiées de-ci de-là, Serge Clerc crée un univers bien à lui, reconnaissable entre mille, aimablement barré, lorgnant vers les années 1940-1950 et peuplé d’espions russes ou chinois, de gorilles en imperméables mastic, de concierges hongrois et de pin-up aux jambes galbées. Avec ironie, Clerc plonge ses héros dans de rocambolesques aventures assez peu sérieuses qui empruntent à la fois aux grands maîtres de la BD franco-belge, au film noir et au cinéma de Tati, le tout sur une bande son rock, qui convoque aussi bien le King Elvis Presley que les Sex Pistols.

© Les Humanoïdes associés, 1986

Graphiquement, le style de Serge Clerc est identifiable au premier coup d’œil. Fortement influencé par la période Spirou et Fantasio de Franquin, son dessin est à mes yeux, l'incarnation des années 1980. La curieuse modernité de l’époque puisait ses références à la fois dans la BD des années 1940-1950, dans l’architecture moderniste et le style International, dans la Série Noire et la science-fiction des pulps. Popularisé par ses travaux dans la presse ou pour la publicité, le dessin de Clerc est singulièrement familier. Tout ceci a certes un peu vieilli, mais il s’en dégage un charme fou. Rassemblant l’ensemble des albums ou histoires courtes publiés de 1981 à 1997, cette belle intégrale est complétée par une farandole de dessins promotionnels, d’affiches, d’ex-libris et autres illustrations mettant en scène le personnage fétiche de Serge Clerc, témoignant, s’il en était besoin, que ce dernier est un formidable illustrateur.

© Les Humanoïdes associés, 1984

Alors ami lecteur, à l’heure où la ville dort, viens boire un dernier verre au Mocambo en compagnie de Phil Perfect. Ça ne se refuse pas.

Longue vie au Triangle !

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