dimanche 15 décembre 2013

Hard Boiled : Apocalypse maintenant

Tous aux abris ! Voici revenu le temps de l’Armageddon cyberpunk. Hard Boiled, scénarisé par Frank Miller et dessiné par Geof Darrow est réédité aux éditions Delcourt. Paru aux États-Unis chez Dark Horse en 1990, ce comic de SF paranoïaque d’inspiration très « Philip K. Dickienne » est une véritable curiosité. Le bédéphile amateur de science-fiction bien déjantée, fan de Frank Miller ou tout simplement admirateur de BD hors du commun appréciera l’étrange objet à sa juste valeur.

© 2012 Guy Delcourt Productions

Le scénario démarre sur des chapeaux de roues. Nixon est un collecteur d’impôt chargé des recouvrements musclés. Après une interpellation particulièrement mouvementée, Nixon est sérieusement amoché. Il est alors soigné par Willeford Home Appliances, la multinationale qui conçoit et fabrique les robots domestiques. Des bribes d’une mémoire étrangement normale lui reviennent alors. Agent de choc ou tranquille citoyen, homme ou machine, qui est vraiment Nixon ?

© Delcourt 1990 Miller Darrow
Couverture de la première édition, en 2 tomes

L’aspect marquant de cet album vient principalement de son aspect outrancier. Excessif, ultra-violent, passant de fusillades homériques en carambolages cataclysmiques à un rythme soutenu, Hard Boiled détient sans doute le taux de mortalité le plus élevé de l’histoire du Neuvième Art et ferait passer la bataille de Verdun pour une promenade de santé. Cette démesure s’appuie sur le dessin précis et minutieux de Geof Darrow. Et là, on touche au sublime. Avec un soin maniaque, l’artiste s’attache à dessiner le plus infime bris de verre d’un pare-brise qui vole en éclats, la dernière brique d’un mur qui explose, le moindre quidam touché par une balle perdue dans une foule compacte. Comme si ce souci du détail n’était pas assez poussé, Darrow s’attache à surcharger ses cases de détails qui ajoutent aux détails. Un bras robotisé sera ainsi doublé, voir triplé ou quadruplé, mais aussi assorti d’une multitude de boulons, de clapets, de tuyaux, de petites pinces ou de baguettes pour créer une machine futuriste, certes, mais avant tout peu commune. Amateur de sobriété néo classique, passe ton chemin ! Darrow vise à l’exagération et à l’extravagance par la surcharge de son dessin, par ailleurs très net. Chaque case (parfois au format d’une double page !!!!) est ainsi l’occasion pour le lecteur de passer des heures à traquer le moindre détail dans une sorte de Où est Charlie ? trash. Car la maniaquerie du dessinateur lui permet aussi de développer son sens de la dérision en multipliant les détails moqueurs et ironiques qui perdent le lecteur dans un abîme de contemplation amusée.

© Delcourt 1992 Miller Darrow
Couverture de la première édition en 2 tomes

Hénaurme, parodique, fascinante, extrême, surprenante : Hard Boiled est une BD singulière à réserver aux têtes brûlées au cœur bien accroché. Androïdes paranoïaques et pacifistes non-violents s’abstenir…

Longue vie au Triangle !