Avis aux Iroquois à cheveux verts et à tous les petits agités ! Près de 30 ans après sa sortie,
l’éditeur Rackham réédite Peter Pank, la relecture punk
joyeusement déjantée de Peter Pan par le Catalan Max. ¡ Joder ! ¡ Qué bien !
© 2014 Rackham
En
1979, dans l’Espagne post-franquiste en pleine ébullition, Francesc
Capdevila alias Max, participe à
la création de la revue de BD El Vibora,
sorte d’Écho des Savanes ibère, dans laquelle seront publiées aussi bien des productions locales que
des traductions étrangères (Pétillon,
Charles Burns, Liberatore etc.). En 1983, il y crée le personnage de Peter Pank,
un punk à crête, bagarreur, râleur, vindicatif et lubrique. Lorgnant franchement
sur le dessin animé de Walt Disney,
il s’amuse à le déconstruire minutieusement : Peter Pan est ce qu'il est, c'est-à-dire une raclure ; les enfants perdus sont des
punks sniffeurs de colle ; le capitaine Crochet devient le capitaine Toupet et
ses pirates des rockers aficionados de Buddy Holly ; les sirènes sont des
nymphomanes dominatrices ; les Indiens sont des hippies fumeurs de joints ; Clochette devient Klochette, porte bas résille destroy et ceinture à clous. Ce bordélique élan de joyeuse
subversion fait penser à Disneyland
Memorial Orgy, le fameux dessin de Wally
Wood présentant une version assez peu orthodoxe de l’univers Disney.
© Henri Veyrier Artefact 1985
Amusant détail : Max signe alors Alphamax pour se distinguer d'un autre auteur du même nom.
En 1988
et 1990, Max récidive avec deux
autres albums toujours aussi foutraques, mêlant cultures urbaines underground
et mauvais esprit. Dans le premier, Le
Lycanthropunk (initialement paru en France sous le titre Ci-gît Peter Pank), un machiavélique génie du mal gothique envoie Peter Pank éliminer
un vampire écossais. Dans le second, Pankdinista,
notre héros prend le maquis pour lutter contre d’affreux capitalistes qui
tentent d’asservir aux lois du marché la libertaire île de Punkiland. Skinheads
écossais, savant fou soviétique, détrousseurs de cadavres, ébouriffés sortis
du mythique club The Batcave, skateurs volants se croisent dans le désordre le plus total.
© Éditions Albin Michel SA 1988
Si le
dessin ligne claire de Max est très
agréable, la netteté du trait peut surprendre au premier abord, pour une BD à
la punkitude assumée. Effectivement, nous sommes loin de l’esthétique brouillonne des
fanzines. Pourtant, le contraste entre un dessin ultra lisible et un univers complètement
cintré crée un plaisant décalage. D’autant que l’utilisation de couleurs
franches et pétantes, somme toute très années 1980, est un véritable régal pour
l’œil.
À
l’heure où le punk entre au musée, où des groupes mythiques se reforment pour
de pathétiques mais rémunératrices performances, un vent rebelle de déconnade
souffle sur le Neuvième Art. Punk’s not dead ?
Longue
vie au Triangle !