Affichage des articles dont le libellé est Brüno. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est Brüno. Afficher tous les articles

vendredi 4 septembre 2015

Tyler Cross t. 2 Angola : les portes du pénitencier

Back to black ! Tyler Cross, le héros créé par Fabien Nury (scénario) et Brüno (dessin) est de retour pour un nouvel album sis dans ce haut-lieu de l’humanité qu’est le Louisiana State Penitentiary aka la ferme prison d’Angola. Après le Texas, ça va saigner sur les rives boueuses et putrides du Mississippi.

© Dargaud 2015

Fort du succès du premier album Tyler Cross en 2013 (lire la chronique de Tyler Cross), Nury et Brüno nous concoctent un nouveau polar hard boiled âpre et froid comme la mort, digne des thrillers désabusés des années 1950.

Couverture de l'édition spéciale, en noir et blanc,
agrémentée d'une fin alternative non retenue par les auteurs.
© Dargaud 2015

Revoici donc cette crapule impassible de Tyler Cross. Victime d’une méchante entourloupe de la part de son commanditaire lors d’un braquage, il écope de 20 ans au pénitencier d’Angola. Entre les gardiens sadiques, les molosses féroces, les Italiens qui ont mis un contrat sur sa tête et le climat délétère, autant dire que le séjour ne va pas être de tout repos. Une seule solution : se faire la belle, s’esbigner, se carapater, mettre les voiles, prendre la tangente. Mais comment s’évader du pénitencier d’où l’on ne s’évade pas, si ce n’est les pieds devant ? Cela dit, outre les diverses raisons susnommées, lorsque l’on est un homme de principe comme Tyler Cross, la vengeance constitue une excellente motivation…

Le dessin clair et affûté de Brüno est toujours aussi redoutablement efficace. Cadrages panoramiques, gros plans, champs et contrechamps rythment la narration en lui conférant un aspect cinématographique diablement percutant. De plus, la colorisation multiplie les fonds unis qui renforcent puissamment le dessin des personnages. Du grand Neuvième Art !

Un thriller poisseux comme le climat des bayous de Louisiane, à lire impérativement sous peine de finir 6 pieds sous terre.

Longue vie au Triangle !

jeudi 6 février 2014

Pornopia : X-Filles

Le dessinateur Brüno s’intéresse au sexe des anges du X. Dieu que c’est beau ! En 2012, Brüno avait déjà clamé dans un porte-voix son amour aux films de mauvais genre avec l’ébouriffant Lorna (lire la chronique de Lorna). Il récidive aujourd’hui et enfonce le clou (si je puis dire) en consacrant un album entier aux films X : Pornopia (Glénat). Mâtin, quel album !

© 2014 Glénat

Dans cet élégant ouvrage de format carré, le dessinateur livre pas moins de 154 illustrations en pleine page (155 si l’on ajoute celle de couverture), sans une once de dialogue ou de scénario. Autant d’instantanés que l’on croirait tirés d’une pornothèque idéale, composant une sorte de panorama du genre. Évidemment, l’absence de scénario pourra gêner quelques lecteurs chagrins. Ils reconnaîtront toutefois que l’industrie du cinéma pornographique ne brille ni par la qualité de ses scénarios ni par la profondeur de ses dialogues. Brüno nous épargne donc les livreurs serviables, les ménagères en détresse et les étudiantes coquines. Toutefois notre auteur s’est manifestement appuyé sur une documentation solide et rigoureuse ! Seule, à deux, à trois ou à dix ; sur un lit, sur la moquette, sur le sable ou dans la pampa ; tendrement, salement ou sauvagement, les starlettes et les étalons de papier s’en donnent à cœur joie. Le sexe y est explicite et cet album n’est pas à mettre entre toutes les mains. Te voici prévenu, ami lecteur.

Ainsi qu’il l’expose dans la brève quatrième de couverture, Brüno entend offrir au lecteur, transformé en voyeur, la « perfection pornographique ». Celui-ci plonge dans un véritable kaléidoscope de scènes de sexe parfaites, puisqu’à la différence du film ou de la photo, le dessinateur peut atteindre l’image idéale. Gommant toutes les imperfections de la réalité, choisissant ses cadrages, jouant avec les ombres, il dessine LA scène absolue pour ses créatures de papier elles-mêmes parfaites. C’est la formidable supériorité du Neuvième Art. À l’exception de deux planches présentant des objets… euh… contondants, qui me paraissent un peu incongrues, l’ensemble est délicieusement vertigineux.

Le trait stylisé, net et clair de Brüno est joliment mis en relief par une splendide bichromie bleue. Peut-être faut-il y voir une allusion au terme Blue Movie employé par nos amis d’Outre-Manche, autrement plus élégant et poétique que notre clinique appellation de « film porno ».

Signalons aux esprits curieux et pressés que Brüno a mis en ligne un certain nombre de ses dessins sur le site http://bruno-pornopia.blogspot.fr/. Le bédéphile averti préférera sans aucun doute l'expérience du papier. Et quelle expérience !

Longue vie au Triangle !

jeudi 26 septembre 2013

Tyler Cross : American Death Trip

Avec Tyler Cross, paru en août 2013 chez Dargaud, le dessinateur Brüno et le scénariste Fabien Nury plongent au cœur du Texas des années 1950 pour un thriller hard boiled d’une efficacité redoutable.


© Dargaud 2013

Que les choses soient claires : Tyler Cross n’est pas un bandit au grand cœur. Non vraiment pas. Tyler Cross est un salaud, sans foi ni loi, à la gâchette facile, et pas vraiment porté sur le sentimentalisme. Un gars capable de glisser froidement des cartouches de chevrotine dans la bouche de sa dulcinée tout juste abattue, avant de l’arroser d’essence puis d’incendier son corps pour qu’on ne puisse l’identifier. Bref, pas vraiment le genre de paroissien qu’il convient de présenter à grand-maman pour le déjeuner dominical.


Couverture de l'édition spéciale, en noir et blanc 
© Dargaud 2013

Or donc, notre (anti)héros est chargé par un ponte de la mafia de mettre la main sur une cargaison d’héroïne mexicaine. Évidemment, l’interception tourne au carnage et Tyler Cross se retrouve seul en plein désert avec un sac de 17 kilos d’héroïne et 20 dollars en poche. Ce qui, quand on y songe, n’est guère beaucoup lorsque l’on doit échapper à la fois aux flics et aux trafiquants que l’on vient de repasser, tout en écoulant discrètement 17 kilos de blanche mexicaine premier choix. Se faisant passer pour un représentant de commerce, notre homme gagne la ville la plus proche, Black Rock. Mais cette délicieuse bourgade au charme rugueux est en fait la propriété quasi exclusive de la famille Pragg. Dans cette ville isolée, qui ne doit guère compter plus de 1275 âmes, Spencer Pragg, le tyrannique patriarche, règne d’une poigne de fer. Pour Tyler Cross, les ennuis ne font que commencer…

Scénariste renommé, Fabien Nury livre une histoire percutante, à la noirceur revendiquée, convoquant tour à tour des personnages emblématiques du roman ou du film noir que n’auraient pas reniés Dashiell Hammett ou Jim Thompson : tueurs impassibles, beautés fatales, avocats pourris, Federales corrompus, flics bouseux et shérif psychopathe… Que du beau monde !
Le tout est magnifiquement mis en image par le talentueux Brüno dont j’apprécie particulièrement le travail (lire lachronique de Lorna ; lire lachronique de Inner City Blues). Clair et stylisé, son dessin éclate dans des cases très cinématographiques. Tels des plans en Cinémascope, certaines cases s’étalent sur toute la largeur de la page. Ça c’est du grand spectacle !

En route pour une équipée sauvage au Texas. Une chose est sure, on se tue beaucoup dans le Lone Star State.

Longue vie au Triangle !

lundi 21 janvier 2013

Inner City Blues : Blaxploitation power


Back in the days ! Plein gaz sur les Seventies, les quartiers noirs et les truands blacks qui veulent s’en mettre plein les poches en n’hésitant pas à faire parler la poudre. « Get rich or die tryin », comme dirait l’autre… En trois petits albums aux couvertures colorées, récemment republiés par Vents d’Ouest en intégrale, Inner City Blues propulse avec virtuosité le bédéphile dans l’univers du cinéma Blaxploitation. Respect !

© Vents d’Ouest, 2003

Co-scénarisé par Brüno et Fatima Ammari-B, dessiné par ce même Brüno, Inner City Blues nous plonge en septembre 1972, à Inner City, métropole située quelques part aux États-Unis. Suivant un scénario très scorsesien, nous suivons l’ascension puis la chute de plusieurs personnages dont les destins s’entrecroisent : Arnold et Willie (ha ha ha : un grand maigre et un gros, deux hommes de main devenus tueurs à gage), Priest (un caïd fraîchement sorti de prison et déterminé à se remettre en selle) et Yaphet Kotto (un ponte bien installé dont les affaires périclitent). L’une des originalités de cette série est que la même histoire est racontée durant trois tomes, avec trois points de vue différents, en s’approchant à chaque fois un peu plus du dénouement final. Par touches, les auteurs créent un patchwork dans lequel chaque situation trouve son explication ou est précisée dans un autre album. Ainsi, un deal de drogue entre Priest et Yaphet Kotto est raconté sous deux points de vue : dans le premier tome, le lecteur suit Arnold et Willie qui assistent à la scène de loin, sans entendre ce qui se dit ; dans le second, l’action est vue du point de vue de Priest. Évidemment, il vaut mieux lire les 3 tomes, d’où l’intérêt de cette intégrale. Pigé, ami lecteur ? Par ailleurs, les auteurs se permettent d'étonnantes digressions qui, sans nuire à la dynamique du récit, renforcent singulièrement l’ambiance : ici, une planche développe les goûts musicaux d’Arnold, là deux ou trois cases offrent un zoom sur quelques photos de boxe encadrées au mur d’un bistro pour monter la connivence entre deux truands et le patron, là encore, des planches entières sont dévolues aux spectacles topless de sculpturales et époustouflantes beautés noires qui dansent au Mother Ike’s, LE club d’Inner City.

© Vents d’Ouest, 2004

Décidément, Brüno frappe fort. J’ai déjà dit tout le bien que je pensais de Lorna, son hommage sympathiquement foutraque aux séries B horrifiques, érotiques ou SF (lire la chronique de Lorna). Manifestement, ce garçon se fait plaisir à dessiner ce qui lui plaît et cela est réjouissant à voir. Ici donc, il lorgne vers les films Blaxploitation, ce courant né au début des années 1970, visant à offrir au public afro-américain des films d’action avec de tonitruants héros blacks, faits (en principe) par des Blacks pour des Blacks, servis par des bandes-son soul ou funk de toute beauté. Coupe afro, blouson en skaï et jean patte d’éléphant ou costard pimp d’un violet du plus bel effet, les truands dessinés par Brunö semblent ainsi sortir de Shaft, Sweet Sweetback’s Baadassss Song et autres Coffy, la panthère noire de Harlem. En tendant l’oreille, on croirait entendre Isaac Hayes ou Gil Scott-Heron. D’ailleurs, en une citation déférente, le titre de la série reprend celui d’une chanson de Marvin Gaye.

© Vents d’Ouest, 2005

Avec son dessin singulier, à la fois clair et parfois presque géométrique, Brüno réalise 3 albums marquants. Trépidante et inventive, pleine de clins d’œil amusants et amusés, cette série B se lit et se relit avec délectation.

Longue vie au Triangle !

lundi 25 juin 2012

Lorna : hommage en Z majeur à la série B

Parfois, de stupéfiants Objets Bédéphiliques Non Identifiés (OBNI) traversent le paysage, à 1000 lieues au dessus des productions convenues. Incontestablement, Lorna est de ceux-ci, ami lecteur. Cet album est une véritable météorite fluorescente, venue tout droit de la planète Z. Oh my God ! It's alive !!!!!!!!!!

© Éditions Glénat, 2012

En un solennel hommage aux séries B des années 1950-1960-1970, l'auteur compile avec gourmandise tous les ingrédients des films de drive-in : savants fous, virus mutagène, pieuvre géante, actrices de films X, laboratoire ultra secret, homme-tarentule, extra-terrestres affublés d'un léger problème de perception des échelles, militaires psychopathes, etc. Tout y est ! Rien ne manque, même les décors de Le Corbusier, les fausses pub de soda et les affiches de films euh... déshabillés. De quoi faire mourir de bonheur un scénariste alcoolique et sous-payé de la grande époque holywoodienne. Le tout s'entremêle en un vivifiant mélange qui (et c'est assez étonnant dit comme cela) reste fort cohérent.

Le dessin de Brüno (pas l'extravagante überstar de la Karntner Strasse, un autre) renforce son projet car il le prend à contre-pied. Là où l'on aurait pu s'attendre à un dessin ultra réaliste, il livre une sorte de ligne claire très stylisée, vivante et efficace, servie par une bichromie orangée du meilleur effet. Dessinateur (entre autres) du sympathique Commando colonial et d'une très personnelle adaptation de Jules Vernes, Nemo, Brüno me paraît définitivement être un auteur à suivre.

Alors fidèle lecteur, si des films tels que Them !, Attack of the 50 ft. woman, It came from outer space et autres Tarantula font naître le long de ton échine de coupables frissons de plaisir, alors cours lire sans plus tarder cet album de (mauvais) genre, il est pour toi !

Longue vie au Triangle !