lundi 28 janvier 2013

Dômu/Rêves d’enfants : frissons extrême-orientaux

Souviens-toi, ami lecteur, c’était hier. Au début des années 1990, les mangas firent irruption dans le paysage bédéphilique français avec la célérité d’un Zéro fraîchement sorti des usines Mitsubishi piquant sur le pont d’un navire américain. Véritable Pearl Harbor dans l’Hexagone, la déflagration fut énorme. Parmi les premières traductions qui furent alors publiées dans notre beau pays, l’une m’a particulièrement marqué : l’audacieux thriller fantastique Dômu/Rêves d’enfants de Katsuhiro Otomo.

© Les Humanoïdes associés, 1991

L’homme n’en était pas à son premier coup d’éclat. Otomo est en effet l’auteur de l’immense Akira, monument futuristico-apocalyptique de la BD japonaise, qui fut, pour beaucoup de lecteurs français, le téléporteur spatio-temporel dans l’univers du manga pour un voyage sans retour. Avec Dômu, Katsuhiro Otomo livre un album dense, bien plus court que la plupart des séries fleuves japonaises qui s’étendent sur des milliers de pages. Sorti au Japon en 1983, le manga est publié en France par Les Humanoïdes associés entre 1991 et 1992, dans la foulée du succès rencontré par Akira.

© Les Humanoïdes associés, 1991

L’histoire se déroule à Tokyo, autour d’un gigantesque complexe d’immeubles abritant des centaines de familles de la classe moyenne. La vie semble s’y dérouler paisiblement, marquée par une certaine banalité du quotidien. Pourtant, les morts accidentelles ou suicides s’y multiplient puisque l’on y recense pas moins de 25 décès bizarres en 3 ans. Justement, la police enquête sur le dernier en date, celui de M. Uéno, homme sans histoire qui s’est jeté du toit sans crier gare. Mais personne ne comprend comment il a réussi à ouvrir la porte d’accès au toit, pourtant fermée à clé. Et voici que l’épidémie semble gagner les forces de l’ordre puisqu’un agent se jette à son tour par-dessus bord, puis le commissaire chargé de l’enquête après avoir été témoin d’étranges phénomènes. Avec un formidable sens de la mise en scène, Otomo parvient à créer un environnement angoissant où même le quotidien devient inquiétant, de la femme promenant une poussette vide au curieux petit vieux assis sur un banc. À coup de suicides sanglants, de singuliers jeux d’enfants, d’apparitions fantomatiques ou de phénomènes parapsychiques, le mangaka installe une atmosphère qui préfigure les films horrifiques d’Hideo Nakata (Ring, 1997) ou Kiyoshi Kurosawa (Cure, 1997 ; Kaïro, 2000) et leur troublante ambiance froide et clinique.

© Les Humanoïdes associés, 1992

Les dessins d’Otomo sont réalistes, très fins et extrêmement détaillés. Certaines planches montrant la barre d’immeuble dans laquelle se déroule l’intrigue sont à proprement parler vertigineuses. Quant aux cadrages hallucinants, ils ont décollé les rétines de toute une génération de lecteurs. Furieusement novateur en son temps, ce manga n'a pas pris une ride près de 30 ans après sa création. Cramponne-toi ami lecteur, après avoir lu Dômu, tu ne verras plus jamais un couloir d’immeuble désert de la même manière.

Longue vie au Triangle !

1 commentaire:

  1. Merci pour cette description très juste et méritée du fameux Domu ,puis avoir votre contacte Facebook ?

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