Tel un
inquiétant astre noir, l’œuvre d’Alex
Barbier est un pur OBNI (objet bédéphilique non identifié). Âpres, vénéneux
et fascinants, les trois albums de la série Lettres
au maire de V. (Lettres au maire de
V., Autoportrait du vampire d’en face et
Pornographie d’une ville) subjugueront
certainement le bédéphile audacieux, tout en agaçant peut être certains
lecteurs.
© 1998 Fréon
Disons-le
tout net, l’univers poisseux de Barbier
est fou, malade, troublant, voire éprouvant. Par des lettres anonymes adressées au
maire d’une petite ville, pointant les agissements d’un loup garou dévorant ses
victimes après leur avoir fait subir un sort pire que la mort, puis ceux de
vampires assoiffés de sang et de stupre ou par les confessions homoérotiques d’un
jeune garçon, élève de quatrième 4 du lycée de garçons de V., l’auteur nous
plonge dans l’univers paranoïaque et étouffant de la ville de V. Quelle est
cette mystérieuse ville de V. ? V. comme Vichy – aimable cité au passé
pour le moins délétère –, Vaison-la-Romaine, Valence, Vesoul, Vitrolles,
Valenciennes ? Ou tout simplement V. comme Ville ? Nul ne le sait, si
ce n’est l’auteur. Une chose est sûre, cette petite ville de province est si
tranquille qu’elle ne peut que cacher de bien sombres secrets… Et quels secrets !
© 2000 Fréon
Le
lecteur est littéralement stupéfié par ce monde de folie ou de mauvais rêve
éveillé. L’utilisation de la couleur directe par l’artiste crée un véritable
choc visuel. Crues, brutales, charnelles, les planches de Barbier cognent le lecteur aux tripes. Superbes, certaines cases
font penser aux toiles de Francis Bacon
ou Lucian Freud.
© 2006 Frémok
Enfin,
le sexe irradie des pages de Barbier.
Mais il ne s’agit pas d’un érotisme de boudoir, reposant sur un dessin soigné
et raffiné. C’est d’avantage la peinture sauvage d’un érotisme primal, brutal et carnassier,
d’étreintes qui s’apparentent au meurtre ou au cannibalisme, de corps qui s’offrent
comme la viande sur l’étal de boucherie. C’est violent, mais c’est beau.
Longue
vie au Triangle !