Comanche, c’est un voyage sur la piste de l’Oregon,
dans l’Ouest sauvage, avec ses vastes espaces à couper le souffle, ses hommes
et ses femmes au caractère bien trempé, ses flingueurs dont les crosses de colts portent moult encoches, ses fripouilles sans foi ni loi, ses Indiens
impétueux, ses prêcheurs inquiétants, le cheval de fer… Voici de quoi emballer
le bédéphile amateur de western. Hooo ! Tout doux Bronco.
© 1978, Éditions du Lombard, Bruxelles
Comanche naît à la fin des années 1960 dans
les pages du Journal de Tintin, sous
les plumes (d’aigle) de Greg (1920-2012) au
scénario et d’Hermann au dessin.
La
série se déroule au Wyoming, État sauvage situé sur la piste vers l’Ouest, loin
de la civilisation de la côte Est. La jolie Comanche, élevée par le vieux briscard
Ten Gallon, est la patronne du ranch le Triple Six. Elle engage Red Dust, un pistolero rouquin dont on saisit qu’il a
passablement roulé sa bosse avant, le jeune Clem Cheveux-fous, l’ombrageux et
mutique indien Petite Lune, dont l’histoire familiale est digne de celle des
Atrides, et Toby Face-Sombre, un cowboy noir. Qu’on se rassure, malgré sa
composition intergénérationnelle et multiraciale qui pourrait faire craindre
une débauche démonstrative et dégoulinante de bons sentiments, les choses sont
moins simple qu’il n’y paraît et, assez rapidement, les vieux réflexes reprenant
le dessus, il se trouve toujours quelque bonne âme pour vouloir brancher le
peau-rouge au premier arbre et corriger le « moricaud ». Notre fine
équipe ne sera pas de trop pour affronter les machinations d’éleveurs cupides,
les gangs familiaux de tueurs sanguinaires, les révoltes indiennes, les
prospecteurs sans scrupule, l’infâme Doc Wetchin, et, peut-être le plus
inquiétant, l’avancée de la civilisation qui s’étend vers l’Ouest à mesure qu’avance
le chemin de fer.
© 1977, Éditions du Lombard, Bruxelles
Série « familiale »,
somme toute assez classique, destinée à un jeune public, elle respecte toute
une série de canons propres aux séries grand public d’alors. Pourtant, elle
fait partie des séries qui ne prenaient pas les gamins boutonneux pour des
demeurés. De plus, je lui trouve, outre le dessin remarquable d’Hermann, un petit parfum subtil d’originalité
dans sa description de l’Ouest sauvage. Les paysages d’abord, sont ceux du
nord-ouest, plutôt faits de montagnes enneigées, de forêts sauvages et de
plaines herbeuses que de mesas rocheuses.
Les personnages ensuite sont moins prévisibles qu’il n’y paraît, y compris les
personnages secondaires : Red Dust n’est pas qu’un énième pistolero froid et impassible. Il cache
une fêlure et son histoire foireuse avec Comanche suscite la bienveillance. Ou,
autre exemple, Toby Face-Sombre, qui n’est pas le faire-valoir black que l’on
aurait pu attendre, forcément sympathique et toujours une bonne blague à la
bouche. Non, c’est juste un gars normal, droit dans ses bottes, intègre… et
noir. Enfin, les albums de Comanche recèlent
toujours une petite note douce-amère, un relent de nostalgie face à l’avancée inéluctable
de la civilisation, qui condamne les hommes comme Red Dust (sans parler de l’Indien…)
alors que la jeune génération des Comanche, Toby ou Clem s’y adapte tant bien
que mal.
© 1980, Éditions du Lombard, Bruxelles
Comanche est une petite série de 10 albums (à
partir du numéro 11, le dessin est assuré par Michel Rouge et la série prend franchement l’eau de partout, donc, restons
sur les 10 premiers tomes, si tu le veux bien, ami lecteur) formidables pour
qui aime le western. Elle représente selon moi la quintessence l’Age d’or de la
BD franco-belge d’alors : chaque album de 48 pages, merveilleusement mis
en valeur par le trait « barbu », sec et ultra-détaillé d’Hermann, dispose d’un solide scénario du
vétéran Greg. Pas d’histoire à
rallonge sur 12 tomes dans lesquelles le scénariste oublie où il veut en venir, une mécanique rodée, un dessinateur au top. C’est efficace, net et précis comme un tir de Winchester
à 200 pas.
© 1978, Éditions du Lombard, Bruxelles
Je ne
sais plus quel auteur américain a dit un jour, je ne sais plus quand, et je ne
sais plus où (et oui, ami lecteur, la vieillesse est un naufrage !) que si
les Américains étaient forcément les maîtres du western cinématographique, les
Français (bon, je pense qu’il parlait aussi des Belges, ils ne m’en voudront
pas trop…) avaient produit les meilleures BD de western. Comanche fait partie de celles-là.
Longue
vie au Triangle !