mardi 27 novembre 2012

Blueberry 11 et 12 : "Bang ! Bang !, he shot me down"


Armant le chien de mon colt « Peacemaker », les yeux dans les yeux je te le demande ami lecteur : Es-tu un coyote à foie jaune ? Si c’est le cas étranger, passe ton chemin. Car nous chevauchons aujourd’hui pour l’Ouest, le vrai, implacable et impitoyable, au côté du lieutenant Blueberry, dans la plus formidable BD de western du Neuvième Art. Et laisse-moi te dire une chose amigo : les cimetières sont pleins de ceux qui ne sont pas de cet avis !

© Dargaud éditeur 1972

Née en 1963, dans le journal Pilote, dessinée par Jean Giraud, aka Moebius (1938-2012) sur des scénarios du Belge Jean-Michel Charlier (1924-1989) cette série s’attache au personnage de Mike Steve Blueberry, lieutenant de l’US Army dans l’Ouest sauvage des années 1860-1870. Indépendant, fine gâchette, bagarreur, le lieutenant devient vite un pilier du journal Pilote. De 1963 à 1990, le tandem Charlier-Giraud exécute 23 albums, pour la plupart publiés chez Dargaud, auxquels on peut ajouter 3 albums réalisés ensemble d’une série dérivée : La jeunesse de Blueberry (qui sera poursuivie par d’autres dessinateurs). Après la mort de Charlier, Giraud s’essaiera au scénario sur d’autres séries dérivées elles-aussi de Blueberry (Marshal Blueberry, Mister Blueberry). Sans vouloir faire du tort à un mort, le moins que l’on puisse dire c’est que le grand homme était génial dessinateur, mais moins bon scénariste… Revenons à nos albums originaux qui forment un corpus canonique de 26 titres, autant de pépites d’or pur qui scintillent dans un coffre de la Wells Fargo. Deux d’entre eux se distinguent et constituent à mes yeux la plus magistrale entrée en matière pour aborder la série : La Mine de l’Allemand perdu et Le Spectre aux balles d’or.

© Dargaud éditeur 1972

L’histoire s’ouvre sur un paysage poussiéreux digne du meilleur western spaghetti. Blueberry a été muté comme shérif d’un bled perdu aux confins du désert. À la suite d’une bagarre de saloon, il arrête un curieux personnage, aristocrate prussien en rupture de ban, qui se prétend un peu géologue, un peu médecin mais semble être une fripouille à part entière : Werner Amadeus von Luckner. L’homme arnaque les crédules en affirmant connaître l’emplacement d’une mine d’or fabuleuse, située dans le désert, en plein territoire apache. Déterminé à éclaircir la situation, Blueberry l’enferme afin d’y voir plus clair. Mais le roublard personnage s’évade en compagnie de Mc Clure, l’adjoint et ami du shérif, et part vers les Monts de la Superstition, ces montagnes désertiques où même les féroces Apaches du chef Petite Lune n’osent s’aventurer. Afin de retrouver l'indélicat teuton et de tirer son ami d’un mauvais pas, Blueberry se lance à leur poursuite, bientôt suivi par deux inquiétants chasseurs de primes. Quel secret se cache dans les Monts de la Superstition ? Et Luckner est-il bien celui qu’il prétend être ? Sur ce scénario à la fois classique et original, Charlier et Giraud livrent un western parfait et impeccable, où rien ne manque : pistoleros impassibles, Mexicains indolents, crapules ayant la fâcheuse manie de laisser leurs connaissances abattues d’une balle dans le dos, Apaches chasseurs de scalps, crotales et gunfights. C’est hyper maîtrisé, le scénario est huilé comme le barillet d’un colt. C’est un régal pour le bédéphile.

Quant au dessin, Giraud excelle, et c’est peu de le dire. Son trait fin est d’une précision quasi maniaque. Chaque case est une véritable miniature regorgeant de détails. Les planche sont découpées en une multitude de cases (souvent 11 ou 12 par page) qui donnent une formidable richesse à la narration. Parfois, au milieu de ces cases ultra-détaillées, Giraud extrait totalement ses personnages du décor, dynamisant la narration par ce contraste saisissant d’un personnage isolé sur une case blanche. Le dessin des personnages contribue grandement à l’atmosphère des planches : les personnages ont des « gueules », sont mal rasés, crasseux, transpirent à grosses gouttes. Eh oui, pied tendre, pas de doute, nous sommes dans l’Ouest, le vrai. Le tout servi par une colorisation magique qui rend parfaitement les grands espaces de l’Ouest ou les mesas empierrées. Tu l’auras compris, ami lecteur, c’est beau, et pas qu’un peu.

Incontestablement, avec Blueberry, Charlier et Giraud sont entrés au panthéon du western, cette mythologie moderne.

Longue vie au Triangle !

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