mercredi 13 février 2013

Walking Dead : le Mort saisit le Vif


Debout les morts ! Le comic horrifique The Walking Dead n’en finit plus de faire parler de lui. Telle une goule affamée, un misérable charognard putride, j’avoue me ruer frénétiquement sur chaque album avec voracité. Alors que sort ce mois-ci le 17e tome de la série, revenons un peu si tu le veux bien, ami lecteur, sur cette saga qui ne manque pas de mordant.

© 2013 Guy Delcourt Productions

Le comic s’inspire sans vergogne des œuvres glaçantes de George Romero La Nuit des morts vivants (1968) et Zombie/Dawn of Dead (1978). Le décor ainsi balisé, point de longues scènes d’exposition. Nous sommes en terrain dangereusement familier : cette série parle de zombies, avec un Z majuscule taillé dans de la viande putréfiée et orné d’un chapelet d’intestins dévidés.

© 2012 Guy Delcourt Productions

Blessé lors d’une fusillade, l’agent Rick Grimes, sombre dans le coma. À son réveil, il émerge dans un hôpital déserté et dévasté. Les trompettes du Jugement Dernier semblent avoir sonné durant son sommeil car les morts arpentent de nouveau la Terre, mus par une inextinguible faim de chair humaine. Animé par un farouche instinct de survie et par l’ardent désir de retrouver femme et enfant, notre vaillant membre des forces de l’ordre part à l’aventure dans les ruines de notre monde. Croisant la route d’autres survivants, il retrouve les siens par un heureux caprice du destin. Mais l’aventure ne fait que commencer, et elle sera éprouvante.

© 2011 Guy Delcourt Productions

Récit d’horreur et de survie, cette bande dessinée s’ingénie à nous montrer le quotidien d’une petite communauté humaine confrontée à l’effondrement de la civilisation telle que nous la connaissons. Et si les morts vivants constituent un danger terrifiant, les autres humains rescapés ne sont pas forcément plus rassurants : cannibales, psychopathes manipulateurs ou meurtriers sanguinaires semblent plus doués pour la survie que les hommes de bonne volonté. À moins que ce ne soit cet univers corrompu qui transforme les hommes de bonne volonté en fous furieux… Dans cette BD fleuve s’étendant sur plus de 2300 pages, l’auteur a tout le loisir de décrire l’évolution de ses personnages confrontés à cette situation pour le moins extrême. Passant de l’abattement à l’enthousiasme, de la dépression à la folie, tentant désespérément malgré tout de recréer des fragments de normalité dans ce cauchemar, les personnages évoluent, hésitent, s’interrogent. L’homme est-il condamné ? Faut-il devenir impitoyable et insensible à tout pour survivre ? Les enfants ont-ils une place dans ce nouveau monde ? L’auteur ne se focalise pas sur quelques figures stéréotypées triées sur le volet pour leurs qualités éminemment héroïques. Il évoque un groupe de survivants, aux contours flous puisque, épisode après épisode, de nouveaux personnages rejoignent le groupe, tandis que d’autres connaissent un funeste destin. Car le statut de « héros » ne protège personne, et plus d’un personnage familier disparaît au cours des albums, souvent dans d’effroyables conditions. Si tu as l’âme sensible et le cœur transi de la midinette, abstiens-toi, ami lecteur. Cette BD est parfois terrible. Point de combats élégamment chorégraphiés mais de sauvages affrontements assortis de démontage du pariétal droit ou d’enfoncement de l’occipital à coup de marteau et de pelle. À moins d’être interne en médecine ou adolescent pré-pubère et décérébré amateur de gore, difficile de rester de marbre devant cet étalage de violence. Pour autant, celle-ci interroge et place l’être humain devant une question fondamentale : qu’est-ce qui constitue son humanité ?

© 2010 Guy Delcourt Productions

Publiés aux USA à partir d’octobre 2003 par Image Comics, scénarisés par Robert Kirkman, les premiers numéros du comic mensuel sont dessinés par Tony Moore, qui passe le relais, dès le numéro 7, à Charlie Adlard. Alors que la série aborde le mois prochain son 108e numéro, une telle longévité est exceptionnelle, voire surnaturelle. Il faut dire que cela implique pour Adlard de dessiner une vingtaine de pages tous les mois, soit un véritable travail de titan. J’ai lu toutefois que le dessinateur avouait faire très peu de croquis préparatoires et dessinait à chaud, préférant sans doute entrer immédiatement dans le vif du sujet (si je puis dire...). Illustrant idéalement le pessimisme de la série, son dessin en noir et blanc est dur et nerveux. Je dois avouer que je le préfère de très loin aux premiers dessins de Tony Moore, plus cartoonesques.
En France, la série est publiée en 2005 par Semic, qui jette l’éponge après l’échec commercial du premier tome. Delcourt reprend la publication à partir de 2007, faisant paraître des volumes correspondant aux paperbacks américains, qui rassemblent chacun 6 comics mensuels. Et là, c'est le jackpot !

© 2009 Guy Delcourt Productions

Haletante, cette série au suspense insoutenable crée un phénomène d'addiction hautement contagieux. Mais plus qu'un comic horrifique, elle constitue une véritable danse macabre moderne, une sorte de Memento Mori contemporain.

Longue vie au Triangle !

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