Délicieux petit album érotique, Comtesse d’Aude Picault se situe dans la tradition
des romans libertins du XVIIIe siècle. Plaisante invitation à la philosophie
dans le boudoir, cette BD est une fort agréable surprise.
© Requins Marteaux, 2010
Publiée
par Les Requins Marteaux dans une
collection élégamment baptisée BD Cul, cet album pourrait de prime abord laisser
craindre le pire. En effet, en créant cette collection érotique au nom si
primesautier, la joyeuse bande d’olibrius des Requins marteaux entendait rendre un ardent hommage aux BD
érotiques de gare au format de poche, destinées notamment à un public de militaires en
permission, à l’humour le plus souvent graveleux et aussi léger qu’un char
Leclerc. Disons que les facéties de nos joyeux compères se limitent à la
couverture et aux gardes intérieures de l’ouvrage, finement agrémentées de
fausses publicités pour les lunettes Sexmax ou le Neptunia. Reste que le
contraste entre cet humour potache et le dessin élégant de la demoiselle fait
sourire. Et même ton serviteur, ami lecteur, moi qui trouve d’habitude aussi
inconvenant de mélanger érotisme et humour que de passer Crève salope ! de Métal
urbain à un enterrement. Il est vrai que dans ce domaine, les goûts et les
couleurs…
Abstraction
faite de la couverture donc, Comtesse
est un fort joli album. J’avais déjà beaucoup aimé Papa, bouleversant petit ouvrage d’Aude Picault évoquant le suicide de son père, publié par L’Association. C’est donc avec
curiosité que j’ai lu ce court opuscule tout en dessin, sans bulle ni texte. En
quelques 100 pages en noir et blanc, l’auteur narre les journées d’une jeune et
jolie comtesse, délaissée par son austère mari, plutôt amateur de joutes viriles (le bougre !). Esseulée, la belle aristocrate se laisse aller à de
bien peu innocentes rêveries qui lui incendient les sens. Mais fort
heureusement pour elle, son fidèle valet est prêt à se plier en quatre pour
satisfaire les désirs de sa maîtresse. Plus inspiré par les toiles gentiment
licencieuses de Fragonnard (je pense
nomment au tableau Le Feu aux poudres,
tout un programme) que par les gamahuchades endiablées du divin marquis, la BD
déploie une succession de dessins raffinés dans le superbe décor d’un château
Louis XV. Je te l’accorde, ami lecteur, parler du décor alors que l’on évoque
un ouvrage érotique tient de la perversion pathologique. Mais sincèrement, je
te l’assure, le soin apporté audit décor est vraiment exceptionnel. Le découpage
des scènes, par exemple celles ou la comtesse arpente les couloirs de sa demeure,
est génial. Dans d’autres planches, plus enflammées mais tout aussi
décoratives, le trait de la dessinatrice se fond dans le blanc de la page de
manière remarquable. Et que dire de l’air mutin de la comtesse esquissé en quelques coups de crayon ?
Gracieux
et délicat, ce petit livre est un régal pour l’œil. Pourquoi s’en priver ?
Longue
vie au Triangle !
ça donne envie dis-moi donc, ami rédacteur...
RépondreSupprimerDe la bombe, vous dis-je, ami lecteur !
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