mercredi 19 février 2014

Ragemoor : le temps des châteaux morts

Un nouvel album de Richard Corben ! Qu’on allume les brasiers ! Qu’on empile les crânes des vaincus sur les tours du silence ! Que les victimes sacrificielles s’avancent et que les tambours retentissent pour célébrer par de barbares réjouissances cet événement.

© 2014 Éditions Çà et Là et 360 Média Perspective

Paru aux États-Unis chez Dark Horse en 2012, Ragemoor est publié en France sous le label Delirium des éditions Çà et Là. Fidèle à ses amours (nécrophiles), Corben et son complice scénariste, Jan Strnad, racontent une histoire d’horreur gothique allègrement inspirée des univers fantastiques d’H.-P. Lovecraft et d’Edgar Allan Poe. Depuis des siècles, Ragemoor Castle se dresse sur un piton rocheux battu par les vents, bâti sur le sanctuaire oublié d’un culte païen aussi sanglant qu’effroyable. Pour l’heure, la forteresse est occupée par le jeune Lord Herbert, par son dément de père, et par l’impassible serviteur, Bodrick. Surgissent alors de bien peu scrupuleux « parents », déterminés à mettre la main sur l’héritage familial. Mais les deux larrons vont découvrir pour leur plus grand malheur quelles antiques malédictions pèsent sur la forteresse.

Horreurs abyssales, créatures séculaires, passages dérobés, cryptes secrètes et corridors sans fin : rien ne manque à ce petit manuel du castel gothique selon Corben. Parcouru de délicieux frissons de frayeur, le bédéphile, ne peut s’empêcher de penser aux films d’épouvante de la Hammer. Ne manquent plus que les partitions endiablées d’orgue et les rires démoniaques. Pourtant, dans cet univers de démence effarée et grandiloquente, Corben conserve une pointe de distance ironique, notamment grâce au dessin des physiques presque grotesques de ses personnages. Ce décalage entre réalisme fantastique et outrance baroque est une des caractéristiques du style inimitable du dessinateur. Toujours aussi efficace, notre prince de l’underground américain n’a rien perdu de son énergie. Noir et enfiévré, son nouvel album ravira les fanatiques du maître dont je suis (lire la chronique de Den, pièce maîtresse de l’œuvre de Corben), mais constitue aussi une initiation parfaite pour les jeunes novices qui souhaitent rejoindre le culte.

Longue vie au Triangle !

2 commentaires:

  1. Hello. On peut dire que tu mets du cœur dans tes chroniques. Merci, et bravo.
    Ps : on partage pas mal de goûts apparemment.
    Keep in touch ! :-)

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