Relecture
iconoclaste et trash d’un classique de la littérature enfantine, Pinocchio de Winshluss est un véritable festival d’humour noir et grinçant, un carrousel
de situations ironiques et caustiques. Alors que les lampions de la fête sont
encore allumés, signalons à l’aimable lecteur, à toutes fins utiles, que cet
album fut récompensé en son temps du Prix du meilleur album au Festival international de la
bande dessinée d’Angoulême en 2009. Et hop ! Tournez manège !
© Les Requins Marteaux
Avec
une virtuosité réjouissante, Winshluss
se livre à un démontage en règle du conte moraliste de Collodi, immortalisé par le dessin animé de Disney (1940). Si ce dernier comportait déjà une part d’ombre,
atténuée par un happy end tout
disneyien, Winshluss approfondit cette voie avec la ténacité du sale garnement dynamitant ses petites voitures à
l’aide de sa boite de chimie amusante. Dans sa version, Pinocchio est un robot
de combat créé par Geppetto. Alors que son créateur tente de fourguer sa
machine aux militaires, madame Geppetto, qui semble s’ennuyer fort à la
maison, utilise le pantin comme un sex-toy.
Mais un malencontreux court-circuit déclenche le lance-flamme astucieusement dissimulé dans le nez de l'androïde qui carbonise
madame illico presto. Livré à lui-même, Pinocchio part découvrir le vaste monde
tandis qu’un Jiminy Cricket incarné en un cafard loser et alcoolique a
élu domicile dans sa tête.
Partant
de là, l’auteur pervertit de manière réjouissante toutes les situations de
l’histoire originale. Stromboli, le marionnettiste, est un capitaliste obèse qui
exploite les enfants dans une usine de jouets aux allures de bagne
concentrationnaire. La baleine Monstro est un poisson mutant et radioactif.
L’île enchantée semble plongée en pleine débâcle économique et connaît un
sanglant coup d’État suivi d’une dictature féroce.
À tous
ces personnages ou situations rendues familières par le dessin animé, Winshluss assortit une multitude de
personnages secondaires déjantés sortis tous droits de son imagination fertile et
dérangée : les 7 nains sont des pervers sexuels qui séquestrent et
violentent Blanche Neige plutôt sept fois qu’une ; un détective dépressif
à tête de moaï mène l’enquête sur le meurtre de madame Geppetto ; un
serial killer massacre les clochards pour vendre leurs organes et se payer des
vacances aux îles Hawaï… Que du beau monde !
Graphiquement,
l’album est juste renversant. Winshluss
parodie habilement le dessin disneyien. Mais, ici ou là, pointe un dessin très
« ligne crade », qui fait songer à l’impayable Vuillemin. De grandes planches couleur pleine page viennent
rythmer le récit et renvoient à l’univers des albums pour enfant. Même si la
vision d’un Pinocchio pendu à un sucre d’orge géant donnerait certainement l’occasion
à Bruno Bettelheim de nous livrer d’intéressants développements…
Pessimiste,
désenchanté et sombre mais méchamment drôle, le Pinocchio trash de Winshluss est indéniablement un
classique. Bravo Maestro !
Longue
vie au Triangle !
Le Pinocchio de Collodi n'a rien à voir avec ce qu'en a fait Disney…
RépondreSupprimerNon, mais la version de Disney n'en est pas moins intéressante.
RépondreSupprimer