mercredi 11 juillet 2012

Freddy Lombard : quel talent cet Yves Chaland !

Aujourd’hui, lecteur bien aimé, je voudrais évoquer un type épatant et formidable : le sémillant Yves Chaland (1957-1990), maître de la BD des années 1980, passager de l’aventure du journal Métal Hurlant, fécond illustrateur de publicité. Ce gars était, n’ayons pas peur des mots, tout simplement génial. Il était jeune, il était drôle, il était doué, si doué, et je ne sais pas s’il sentait bon le sable chaud, mais c’est très probable. Malheureusement, la vie est parfois une vieille pute borgne et de surcroît vérolée car Chaland, au pinacle de sa gloire bédéphilique, s’est tué dans un accident de voiture à 33 ans. Las ! Quelle bien mauvaise fortune ! Et pendant ce temps là, l’immonde Johnny Hallyday continue de nous infliger ses scies insupportables et ses pathétiques tentatives pour rester jeune… Une pute je vous dis !

© Éditions Magic-Strip

Très influencé par l’école belge, qu’il appréciait passionnément, Chaland a construit en quelques albums et illustrations un univers extraordinaire, très personnel, à la fois profondément original et étrangement familier. Car il ne s’est pas contenté d’imiter ses maîtres Jijé, Franquin ou Hergé. Chaland a entièrement recréé à la main ce monde des années 1950, complètement fantasmé (ou pas), à l’architecture moderniste, décoré de meubles en formica et de publicités pour Cynar ou Cinzano, sillonné de belles voitures américaines aux formes aérodynamiques et roulant au Vroup Super, confiant dans les bienfaits de la science et de l'atome, marqué par la peur des Rouges et par un racisme bon enfant, dans lequel la ligne claire règne en maîtresse absolue. Et tout cela en ajoutant une touche d'humour au deuxième degré fort réjouissante.

© Les Humanoïdes associés

Les 5 albums de la série Freddy Lombard sont assez exemplaires (Le Testament de Godefroid de Bouillon, 1981 ; Le Cimetière des éléphants, 1984 ; La Comète de Carthage, 1986 ; Vacances à Budapest, 1988 et F.52, 1989). Tous se déroulent dans cette décennie 1950 imaginaire, bornée toutefois par certains repères historiques (les colonies belges, l'écrasement de l’insurrection de Budapest par les Soviétiques...). Ils mettent en scène les aventures d'un trio désargenté : Freddy Lombard, le fantasque héros à houppette du titre, la charmante Dina et le bouillonnant Sweep. De la Belgique pluvieuse à la jungle profonde des Bangobangos, de Paris à Budapest, notre dynamique trio traverse cette époque avec un mélange de douce inconscience, de cynisme méchant et d'altruisme boy-scout. C'est un peu comme si la première chose que faisait Tintin en retrouvant Tchang au sommet de l'Himalaya était de lui coller une baffe magistrale pour l'avoir fait cavaler jusque là. Un drôle de décalage se produit entre un dessin si familier (qui n'a pas lu Spirou ou Tintin au moins une fois dans sa vie, hein, qui ?) et ultra lisible, des gags gentillets typiques de ces BD franco-belges et des situations plus dures, voire cruelles, mais plus proches du monde réel (assassinats de femmes, exécutions sommaires dans les rues de Budapest, rapt d'enfant etc.).

© Les Humanoïdes associés

Nourri par le dessin des auteurs belges des années 1940-1950, Chaland a intégré, absorbé et s'est approprié ce style "ligne claire", fait de contours nets et de francs aplats de couleur. Avec d'autres auteurs tels Floc'h, Ted Benoit ou Serge Clerc, Chaland contribue au renouveau de cette ligne claire qui devient, paradoxalement, à son tour très typique des années 1980. Chaland est un véritable dieu du détail, notamment architectural et, sous leur apparente simplicité, ses dessins traduisent une maîtrise parfaite.

© Les Humanoïdes associés

Alors, ami lecteur, rend hommage au jeune maître disparu trop tôt et plonge-toi dans les rocambolesques aventures de Freddy Lombard et ses amis. Sac à papier ! elles en valent la peine !

© Les Humanoïdes associés

Longue vie au Triangle !

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