Tel un
cachet de LSD frelaté, Le Roi des mouches
plonge le lecteur dans un bad trip
halluciné, à la fois fascinant et éprouvant. En route pour un voyage au bout de
l’enfer pavillonnaire.
© 2005 Glénat
En
trois tomes — Hallorave, L’Origine du monde et Sourire suivant —, parus respectivement
en 2005, 2008 et 2013 chez Albin Michel
puis Glénat, les deux comparses Mezzo (dessin) et Pirus (scénario) explorent avec une précision d’entomologiste le
sombre quotidien d’une banlieue morne. Le tandem Mezzo et Pirus n’en est
pas à son premier coup d’éclat (lire la chronique de Deux tueurs). Mais force est de constater que ces albums scotchent
le lecteur aussi sûrement que s’il avalait d’une traite un triple cocktail de mescaline
et PCP décoré d’une jolie ombrelle rose.
© 2008 Glénat
L’histoire
se déroule dans une zone pavillonnaire indéterminée qui pourrait se trouver un
peu partout dans notre vaste monde occidental. Le lecteur suit les tribulations
d’Eric Klein, un adulescent glandeur, sérieusement défoncé et obsédé par le
sexe pratiqué de manière compulsive. Au fur et à mesure qu’Eric sombre dans la
came, multiplie les conquêtes et croise la route de bien curieux individus, le
lecteur plonge dans un monde étouffant, dans lequel la banalité du quotidien se
pare d’une inquiétante étrangeté. En une série de courts chapitres de quelques
pages, les auteurs livrent à chaque fois un pan du récit vu par un
protagoniste. Et rien ni personne n’est épargné. Les grands adolescents baisouillent
tristement, sont obnubilés par l’argent et érigent la défonce en mode de vie. Les
adultes sont largués, alcooliques, dépressifs et perdent pied face à l’âge ou
la solitude. La chair est triste (hélas !), l’argent ne fait pas le
bonheur, les paradis sont artificiels.
© 2013 Glénat
Avec
une netteté clinique et glaciale, le dessin de Mezzo plonge le lecteur dans ce monde à la fois familier et bizarre.
Les planches sont découpées en un gaufrier régulier de 9 cases qui sert d’unité
sur la quasi-totalité de l’album. Les traits de contour sont très affirmés. Les
plans sont statiques, Mezzo
représentant souvent les personnages figés comme des soldats de plomb, de face
ou de profil selon un angle d’une précision toute géométrique. Parfois, il n’hésite
pas à les dessiner vus du dessus, notamment pour les scènes de sexe, donnant la
curieuse impression qu’ils sont épinglés dans leur cadre de vie comme des
papillons dans une boite. Les couleurs sont assombries par l’omniprésence du
noir. C’est beau, mais c’est troublant.
Assurément, Le Roi des mouches est une BD hautement
hallucinogène et envoûtante, à lire et à relire sans modération.
Longue
vie au Triangle !
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire