lundi 21 octobre 2013

Le Roi des mouches : sexe, drogue et vacuité contemporaine

Tel un cachet de LSD frelaté, Le Roi des mouches plonge le lecteur dans un bad trip halluciné, à la fois fascinant et éprouvant. En route pour un voyage au bout de l’enfer pavillonnaire.

© 2005 Glénat

En trois tomes — Hallorave, L’Origine du monde et Sourire suivant —, parus respectivement en 2005, 2008 et 2013 chez Albin Michel puis Glénat, les deux comparses Mezzo (dessin) et Pirus (scénario) explorent avec une précision d’entomologiste le sombre quotidien d’une banlieue morne. Le tandem Mezzo et Pirus n’en est pas à son premier coup d’éclat (lire la chronique de Deux tueurs). Mais force est de constater que ces albums scotchent le lecteur aussi sûrement que s’il avalait d’une traite un triple cocktail de mescaline et PCP décoré d’une jolie ombrelle rose.

© 2008 Glénat

L’histoire se déroule dans une zone pavillonnaire indéterminée qui pourrait se trouver un peu partout dans notre vaste monde occidental. Le lecteur suit les tribulations d’Eric Klein, un adulescent glandeur, sérieusement défoncé et obsédé par le sexe pratiqué de manière compulsive. Au fur et à mesure qu’Eric sombre dans la came, multiplie les conquêtes et croise la route de bien curieux individus, le lecteur plonge dans un monde étouffant, dans lequel la banalité du quotidien se pare d’une inquiétante étrangeté. En une série de courts chapitres de quelques pages, les auteurs livrent à chaque fois un pan du récit vu par un protagoniste. Et rien ni personne n’est épargné. Les grands adolescents baisouillent tristement, sont obnubilés par l’argent et érigent la défonce en mode de vie. Les adultes sont largués, alcooliques, dépressifs et perdent pied face à l’âge ou la solitude. La chair est triste (hélas !), l’argent ne fait pas le bonheur, les paradis sont artificiels.

© 2013 Glénat

Avec une netteté clinique et glaciale, le dessin de Mezzo plonge le lecteur dans ce monde à la fois familier et bizarre. Les planches sont découpées en un gaufrier régulier de 9 cases qui sert d’unité sur la quasi-totalité de l’album. Les traits de contour sont très affirmés. Les plans sont statiques, Mezzo représentant souvent les personnages figés comme des soldats de plomb, de face ou de profil selon un angle d’une précision toute géométrique. Parfois, il n’hésite pas à les dessiner vus du dessus, notamment pour les scènes de sexe, donnant la curieuse impression qu’ils sont épinglés dans leur cadre de vie comme des papillons dans une boite. Les couleurs sont assombries par l’omniprésence du noir. C’est beau, mais c’est troublant.

Assurément, Le Roi des mouches est une BD hautement hallucinogène et envoûtante, à lire et à relire sans modération.

Longue vie au Triangle !

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