mercredi 29 janvier 2014

Les états sauvages d’Alex Barbier

Tel un inquiétant astre noir, l’œuvre d’Alex Barbier est un pur OBNI (objet bédéphilique non identifié). Âpres, vénéneux et fascinants, les trois albums de la série Lettres au maire de V. (Lettres au maire de V., Autoportrait du vampire d’en face et Pornographie d’une ville) subjugueront certainement le bédéphile audacieux, tout en agaçant peut être certains lecteurs.

© 1998 Fréon

Disons-le tout net, l’univers poisseux de Barbier est fou, malade, troublant, voire éprouvant. Par des lettres anonymes adressées au maire d’une petite ville, pointant les agissements d’un loup garou dévorant ses victimes après leur avoir fait subir un sort pire que la mort, puis ceux de vampires assoiffés de sang et de stupre ou par les confessions homoérotiques d’un jeune garçon, élève de quatrième 4 du lycée de garçons de V., l’auteur nous plonge dans l’univers paranoïaque et étouffant de la ville de V. Quelle est cette mystérieuse ville de V. ? V. comme Vichy – aimable cité au passé pour le moins délétère –, Vaison-la-Romaine, Valence, Vesoul, Vitrolles, Valenciennes ? Ou tout simplement V. comme Ville ? Nul ne le sait, si ce n’est l’auteur. Une chose est sûre, cette petite ville de province est si tranquille qu’elle ne peut que cacher de bien sombres secrets… Et quels secrets !

© 2000 Fréon

Le lecteur est littéralement stupéfié par ce monde de folie ou de mauvais rêve éveillé. L’utilisation de la couleur directe par l’artiste crée un véritable choc visuel. Crues, brutales, charnelles, les planches de Barbier cognent le lecteur aux tripes. Superbes, certaines cases font penser aux toiles de Francis Bacon ou Lucian Freud.

© 2006 Frémok

Enfin, le sexe irradie des pages de Barbier. Mais il ne s’agit pas d’un érotisme de boudoir, reposant sur un dessin soigné et raffiné. C’est d’avantage la peinture sauvage d’un érotisme primal, brutal et carnassier, d’étreintes qui s’apparentent au meurtre ou au cannibalisme, de corps qui s’offrent comme la viande sur l’étal de boucherie. C’est violent, mais c’est beau.

Longue vie au Triangle !