dimanche 10 juin 2012

Scalped : un bon Indien est un Indien mort

J'ai toujours bien aimé les Indiens. Évidemment, ce n'est pas le genre de confession à faire au représentant local du Ku Klux Klan, mais c'est comme ça. Leurs modes de vie, leurs noms totémiques, leurs coutumes, leur histoire m'ont toujours fasciné. C'est ainsi que j'ai découvert Scalped, le comics coup de poing de Jason Aaron et R. M. Guéra du label Vertigo de DC Comics (publié en France chez Panini comics et désormais Urban Comics). Car en effet, ami lecteur, Scalped s'apparente à un vrai coup de tomahawk en pleine face. Hoka hey ! C'est un beau jour pour mourir !

© Vertigo/DC Comics

Bienvenue à Prairie Rose, réserve indienne du South Dakota. Un petit bout de tiers monde au coeur des États-Unis d'Amérique où la consommation annuelle de bière se compte en millions de canettes, où les laboratoires clandestins de méthamphétamines fleurissent, où les querelles de voisinage se terminent à coups de fusil à pompe Ithaca M37 et où il n'est pas rare de corriger un enfant de 4 ans à l'aide d'un démonte-pneu. Misère, crasse, drogue, meurtres, alcoolisme, violence sont le lot quotidien de ce véritable terminus de la fière nation Sioux qui vit sous perfusion de l'aide sociale. C'est là que revient Dashiell Bad Horse, jeune chien fou ayant quitté la réserve voici 15 ans. En 15 ans, Bad Horse a fait du chemin : il est devenu agent du FBI. Mais il reste un jeune homme en colère, très en colère, prêt a exploser à tout instant, ou a se faire sauter le crâne avec son arme de service, c'est selon. Et voilà que son supérieur, l'inquiétant agent Nitz, l'envoie sous couverture pour mener l'enquête dans la réserve. Car Nitz veut faire tomber le chef Red Crow, ancien activiste radical du Red Power reconverti dans les affaires et, accessoirement, patron local du crime organisé. Un homme qui n'aime pas qu'on se mette en travers de sa route, impassible comme un chasseur de cerf, mais capable de tuer un prêtre à coup de Bible. Autant dire que cela va saigner !

© Vertigo/DC Comics

Scalped est une BD violente, très violente : quand on ne se fusille pas à coup d'armes automatiques, on s'y scalpe allègrement, on s'y brûle à l'acide ou on s'y énuclée joyeusement. Mais cette peinture de la violence n'est pas complaisante. Elle souligne la rage de ces hommes au destin brisé, de cette nation disparue, étrangère à son propre territoire, qui a fini par retourner sa fureur contre elle-même. Au delà de l'intrigue policière, Scalped évoque la mauvaise conscience de l'Amérique à l'égard des native Indians et fait la part belle à leur histoire tragique et à leurs traditions.

© Vertigo/DC Comics

Le dessin de R.M. Guéra (un Serbe installé en Espagne) est vif et nerveux. Tout en respectant les codes du western (décors en cinémascope, gunfights, costumes de western...), il explose ses planches pour créer un effet de dynamisme trépidant. Conformément à la pratique de l'industrie américaine du comics, Guéra, s'il est le principal dessinateur de la série, n'est pas le seul à officier (un comics par mois demande un travail de Romain...). D'autres dessinateurs, tels Davide Furno ou J.-P. Leon, interviennent sur quelques numéros. Mais si j'apprécie tout particulièrement le dessin de Guéra, le changement de dessinateur n'est pas vraiment gênant. Le scénario de Jason Aaron est suffisamment riche pour ouvrir de multiples portes et il lui arrive de mettre l'intrigue principale entre parenthèses pour approfondir le caractère de tel ou tel protagoniste. On est donc loin d'une banale série policière puisque l'on plonge aussi dans les années 1970 au côté des Dog Soldiers, les activistes radicaux indiens, on suit les traces de ceux qui ont vu en rêve les Êtres du Tonnerre ou on partage les traumatismes d'enfance d'un personnage.
Et pendant que nous y sommes, une mention spéciale pour les couvertures qui sont assez fascinantes.

© Vertigo/DC Comics

Scalped est une série musclée et nerveuse, désespérée et amère, mais riche, très riche. J'espère qu'elle continuera sur sa lancée. Lis-là si tu l'ose, ami lecteur, tu ne seras pas déçu. Joss Little Eagle a parlé.

Longue vie au Triangle !

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