dimanche 13 mai 2012

Luc Orient (de la Terre) orphelin

Eddy Paape (1920-2012), le dessinateur de Luc Orient, série de SF des années 1960-1970, est mort. Encore un pan d'histoire de l'âge d'or de la BD franco-belge qui disparaît...

Ces albums, ou du moins la première petite douzaine, m'ont fait forte impression en leur temps. Scénarisée par Greg, le père d'Achile Talon, la série  relate les aventures de Luc Orient, scientifique musclé, travaillant pour Eurocristal 1, "le laboratoire scientifique le plus moderne du monde" (ça ne s'invente pas...). Il est accompagné du professeur Kala, scientifique moins musclé mais plus scientifique, de Lora, la bonnasse faire-valoir habituelle, et de Toba, l'indigène de service qui fait franchement tâche en cette époque de décolonisation.

C'est un joyeux mélange d'aventures extra-terrestres à la Flash Gordon matinée de Tarzan (Les Dragons de feu, Le Maître de Terango...), d'intrigues autour d'inquiétantes manipulations scientifiques toutes droit sorties de X-Files (Le 6e continent, Le Cratère aux sortilèges...), de voyages dans le temps et l'espace (La Porte de cristal...).

© Lombard/Paape, Eddy/Greg

Un peu statique, le dessin de Paape est, il faut bien le dire, assez démodé. Mais c'est ce décalage qui crèe paradoxalement un certain charme. Mention spéciale aux décors qui sont franchement extraordinaires de kitsch : les intérieurs sont forcément décorés de moquette au mur, de téléviseurs ovoïdes et de canapés king size aux lignes directement inspirées des bunkers du Mur de l'Atlantique. Et quand on aborde les univers extra-terrestres, l'imagination est carrément au pouvoir : c'est le royaume de la forme courbe, organique, des machines à boules et des boules à machines. Bref, un univers graphique très... riche.

Un titre m'a particulièrement marqué : 24 heures pour la planète Terre, neuvième tome de la série. Le scénario est farouchement classique. Qu'on en juge : un mystérieux Dévastateur mène des actions terroristes de destruction massive pour obtenir la soumission des grandes puissances de la Terre. Mais le misérable ne sait pas qu'il s'adresse à Luc Orient...  Malgré son formatage typique des BD d'aventures franco-belges de l'époque, un certain je-ne-sais-quoi de douce folie se dégage de cet album qui regorge par ailleurs de trouvailles amusantes : mitraillettes à plasma sanguin, extra-terrestre à dégaine de Dürer (voui le peintre !) hippie, pistolets-boules à facettes... 48 pages un peu surannées mais fondamentalement réjouissantes.

Pensée émue pour Eddy Paape, donc.

Longue vie au Triangle !

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