mardi 11 novembre 2014

Little Tulip : épaule tatoo

Retour de flamme pour le tandem Jerome Charyn et François Boucq qui signe, 25 ans après le génialissime thriller d’espionnage Bouche du diable, un nouvel album : Little Tulip aux Éditions du Lombard. Go East young men ! Cap sur l’URSS du Petit Père des peuples, ses goulags sibériens, sa confrérie des voleurs aux tatouages incroyables.

© Boucq / Charyn / Éditions du Lombard

Le romancier américain Jerome Charyn livre un scénario picaresque dont il a le secret. Dans le New York des années 1970, Paul, un jeune tatoueur d’origine russe, virtuose du dessin, brosse aussi des portraits robots pour le NYPD. Ce dernier a fort à faire avec les agissements criminels du Bad Santa, un tueur en série qui viole et égorge ses victimes. Ces meurtres bestiaux entrent en résonance avec l’enfance sauvage de Paul qui se dévoile par flash-back.
Fils d’américains idéalistes émigrés en URSS, Paul aka Pavel est âgé de sept ans lorsque ses parents sont arrêtés et envoyés au goulag. Dans la glorieuse patrie des travailleurs socialistes, ceux qui n’était pas avec le régime étaient contre lui, mais ceux qui étaient avec lui restaient tout de même suspects, on n’est jamais trop prudent…
Pour l’enfant, cette plongée brutale dans le goulag de la Kolyma, est l’occasion de découvrir les températures polaires, les gardiens sadiques, les blanches forêts parsemées de fosses communes et le monde des criminels des camps, les vory v zakone, « voleurs dans la loi ». Caste de meurtriers endurcis, aristocrates du crime, les membres de la mafia russe vivent, tuent et meurent selon des règles strictes et cruelles. Sur leur corps, des tatouages symboliques narrent à qui sait les lires leurs exploits selon un langage codifié et secret. Fasciné, l’enfant observe, apprend et devient un fauve parmi les fauves. Mais c’est son don pour le dessin qui va faire de lui une figure clé du clan, le maître tatoueur.

La Mère Russie dépeinte par Charyn est un pays fascinant, dur, sauvage et exotique, peuplé d’ogres et de monstres. Little Tulip n’est pas qu’un thriller policier mais aussi un récit d’apprentissage. Féroce et grandguignolesque parfois il est vrai… Ainsi, la scène ou Pavel se tatoue lui-même pour la première fois avec la main tranchée de son père et le sang de son maître est assez remarquable.

Vétéran de la Grande Guerre patriotique du dessin, le Lillois François Boucq fait, une fois de plus, des merveilles (lire la chronique du western Bouncer). Ses personnages ont des trognes, animales, effrayantes, presque caricaturales et pourtant très réalistes. Son dessin précis et expressif brille comme les étoiles de verre rouge qui ornent les bulbes du Kremlin. Kharacho !

Une belle réussite, à lire d’urgence, camarades lecteurs. Les bédéphiles contrevenants, les bouquineurs ennemis du peuple et autres asociaux du Neuvième Art qui ne s’exécuteront pas seront déportés séance tenante.

Longue vie au Triangle !

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