Retour
de flamme pour le tandem Jerome Charyn
et François Boucq qui signe, 25 ans
après le génialissime thriller d’espionnage Bouche
du diable, un nouvel album : Little
Tulip aux Éditions du Lombard. Go East young men ! Cap sur l’URSS du Petit Père des peuples,
ses goulags sibériens, sa confrérie des voleurs aux tatouages incroyables.
© Boucq / Charyn / Éditions du Lombard
Le
romancier américain Jerome Charyn
livre un scénario picaresque dont il a le secret. Dans le New York des années
1970, Paul, un jeune tatoueur d’origine russe, virtuose du dessin, brosse aussi
des portraits robots pour le NYPD. Ce dernier a fort à faire avec les
agissements criminels du Bad Santa, un tueur en série qui viole et égorge ses
victimes. Ces meurtres bestiaux entrent en résonance avec l’enfance sauvage de
Paul qui se dévoile par flash-back.
Fils
d’américains idéalistes émigrés en URSS, Paul aka Pavel est âgé de sept ans lorsque ses parents sont arrêtés et
envoyés au goulag. Dans la glorieuse patrie des travailleurs socialistes, ceux
qui n’était pas avec le régime étaient contre lui, mais ceux qui étaient avec lui
restaient tout de même suspects, on n’est jamais trop prudent…
Pour l’enfant,
cette plongée brutale dans le goulag de la Kolyma, est l’occasion de découvrir les
températures polaires, les gardiens sadiques, les blanches forêts parsemées de fosses
communes et le monde des criminels des camps, les vory v zakone, « voleurs dans la loi ». Caste de
meurtriers endurcis, aristocrates du crime, les membres de la mafia russe vivent, tuent et meurent
selon des règles strictes et cruelles. Sur leur corps, des tatouages
symboliques narrent à qui sait les lires leurs exploits selon un langage
codifié et secret. Fasciné, l’enfant observe, apprend et devient un fauve parmi
les fauves. Mais c’est son don pour le dessin qui va faire de lui une figure
clé du clan, le maître tatoueur.
La Mère
Russie dépeinte par Charyn est un
pays fascinant, dur, sauvage et exotique, peuplé d’ogres et de monstres. Little Tulip n’est pas qu’un thriller
policier mais aussi un récit d’apprentissage. Féroce et grandguignolesque
parfois il est vrai… Ainsi, la scène ou Pavel se tatoue lui-même pour la
première fois avec la main tranchée de son père et le sang de son maître est
assez remarquable.
Vétéran
de la Grande Guerre patriotique du dessin, le Lillois François Boucq fait, une fois de plus, des merveilles (lire la chronique du western Bouncer). Ses
personnages ont des trognes, animales, effrayantes, presque caricaturales et
pourtant très réalistes. Son dessin précis et expressif brille comme les étoiles de verre rouge qui ornent les bulbes du Kremlin. Kharacho !
Une
belle réussite, à lire d’urgence, camarades lecteurs. Les bédéphiles contrevenants, les bouquineurs ennemis du peuple et autres asociaux du Neuvième Art qui ne s’exécuteront pas seront
déportés séance tenante.
Longue
vie au Triangle !
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