Back in the days ! Plein gaz sur les Seventies, les quartiers noirs et les
truands blacks qui veulent s’en
mettre plein les poches en n’hésitant pas à faire parler la poudre. « Get rich or die tryin », comme
dirait l’autre… En trois petits albums aux couvertures colorées, récemment republiés
par Vents d’Ouest en intégrale, Inner City Blues propulse avec
virtuosité le bédéphile dans l’univers du cinéma Blaxploitation. Respect !
© Vents d’Ouest, 2003
Co-scénarisé
par Brüno et Fatima Ammari-B, dessiné par ce même Brüno, Inner City Blues
nous plonge en septembre 1972, à Inner City, métropole située quelques part aux
États-Unis. Suivant un scénario très scorsesien, nous suivons l’ascension puis
la chute de plusieurs personnages dont les destins s’entrecroisent : Arnold
et Willie (ha ha ha : un grand maigre et un gros, deux hommes de
main devenus tueurs à gage), Priest (un caïd fraîchement sorti de prison et
déterminé à se remettre en selle) et Yaphet Kotto (un ponte bien installé dont
les affaires périclitent). L’une des originalités de cette série est que la
même histoire est racontée durant trois tomes, avec trois points de vue
différents, en s’approchant à chaque fois un peu plus du dénouement final. Par
touches, les auteurs créent un patchwork dans lequel chaque situation trouve
son explication ou est précisée dans un autre album. Ainsi, un deal de drogue
entre Priest et Yaphet Kotto est raconté sous deux points de vue : dans le
premier tome, le lecteur suit Arnold et Willie qui assistent à la scène de
loin, sans entendre ce qui se dit ; dans le second, l’action est vue du
point de vue de Priest. Évidemment, il vaut mieux lire les 3 tomes, d’où l’intérêt
de cette intégrale. Pigé, ami lecteur ? Par ailleurs, les auteurs se
permettent d'étonnantes digressions qui, sans nuire à la dynamique du récit, renforcent
singulièrement l’ambiance : ici, une planche développe les goûts musicaux
d’Arnold, là deux ou trois cases offrent un zoom sur quelques photos de boxe encadrées au
mur d’un bistro pour monter la connivence entre deux truands et le patron, là
encore, des planches entières sont dévolues aux spectacles topless de sculpturales et époustouflantes beautés noires qui
dansent au Mother Ike’s, LE club d’Inner City.
© Vents d’Ouest, 2004
Décidément,
Brüno frappe fort. J’ai déjà dit
tout le bien que je pensais de Lorna,
son hommage sympathiquement foutraque aux séries B horrifiques, érotiques ou SF
(lire la chronique de Lorna). Manifestement, ce garçon se fait plaisir à
dessiner ce qui lui plaît et cela est réjouissant à voir. Ici donc, il lorgne
vers les films Blaxploitation, ce courant né au début des années 1970, visant à
offrir au public afro-américain des films d’action avec de tonitruants héros blacks, faits (en principe) par des Blacks pour des Blacks, servis par des bandes-son soul ou funk de toute beauté. Coupe
afro, blouson en skaï et jean patte d’éléphant ou costard pimp d’un violet du plus bel effet, les truands dessinés par Brunö semblent ainsi sortir de Shaft, Sweet Sweetback’s Baadassss Song et autres Coffy, la panthère noire de Harlem. En tendant l’oreille, on
croirait entendre Isaac Hayes ou Gil Scott-Heron. D’ailleurs, en une
citation déférente, le titre de la série reprend celui d’une chanson de Marvin Gaye.
© Vents d’Ouest, 2005
Avec
son dessin singulier, à la fois clair et parfois presque géométrique, Brüno réalise 3 albums marquants. Trépidante et inventive, pleine
de clins d’œil amusants et amusés, cette série B se lit et se relit avec
délectation.
Longue
vie au Triangle !
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